⇒ Son parcours :
Gilbert CORSIA est un artiste peintre autodidacte né le 23 mars 1915 à Oran.
C’est à l’âge de 9 ans qu’il ressentit son premier « choc » en découvrant en classe des reproductions de Raphaël et d’autres grands maîtres: «dès cette journée, je sus que je serai peintre». Le critique d’art Henri Heraut qualifiera ainsi cette rencontre avec la peinture comme sa « première mystérieuse émotion d’art ».
A 14 ans, il quitte l’Algérie et vient vivre à Paris. Il y exerce divers petits boulots (groom, terrassier, coiffeur, marchand de 4 saisons sur le boulevard St. Michel,…) et s’engage même un temps dans la Marine avant d’être réformé quelques années plus tard pour raisons de santé. Au cours de ces premières années se succèdent périodes de dépression et d’enthousiasme. Confronté à une vie matérielle précaire, il connaît parfois la faim.
A Paris, il passe beaucoup de temps dans les musées. «J’allais au Louvre comme on va à l’église» dit-il. Et c’est lors d’une de ses visites qu’il ressentit un véritable coup de foudre devant l’un des chefs d’œuvres de l’impressionnisme : « Le bal du Moulin de la Galette », d’Auguste Renoir. A cette époque, il affectionne également la peinture de Courbet, Rembrandt, Corot, Degas, El Greco puis plus tard celle de Cézanne, Rouault, Vlaminck, Matisse, Picasso et Dali. Il achète ses premières couleurs à l’âge de 20 ans et, investi d’une passion dévorante, il ne déposera ses pinceaux qu’à l’âge de 70 ans, emporté par la maladie.
Dès 1945, âgé alors de 30 ans, il expose ses réalisations à Paris dans divers Salons (au salon d’Automne, au salon des Indépendants et au salon des Tuileries). Il se fait vite remarquer par le journaliste Henri Heraut, par Georges Wildenstein (critique d’art et journaliste à l’hebdomadaire « Arts ») et se lie d’amitié avec le sculpteur Jean Carton.
1948 marquera un tournant. L’artiste Marcel Gimond le présente à la célère galeriste Katia Granoff quai de Conti à Paris. Sous le charme de ses natures mortes, elle l’expose et lui offre aussitôt un contrat d’exclusivité.
En 1962, il décide de quitter Paris pour s’installer avec sa famille à Pennedepie en Normandie. Epris d’un désir de liberté et d’indépendance, il décide finalement en 1967 de quitter la galerie Katia Granoff et ce après 18 années d’une collaboration riche et productive. Relation qu’il ressentit parfois aussi sous forme de servitude productiviste…
S’en suit alors une période de libération de sa peinture, un véritable envol dans la couleur, la matière et l’abstraction avec l’usage de techniques mixtes incluant notamment de nombreux collages. Il dira de cette période : «aujourd’hui je me plais à dérailler, à bouleverser». Ses Portraits deviennent volontairement «cisaillés», tels deux profils marqués d’une déchirure.
Située proche d’Honfleur, sa maison devient une véritable galerie et offre aux visiteurs de passage une exposition permanente, telle une immersion dans son univers coloré et poétique. Il confira lors d’un entretien : «je passe ma vie dans mon atelier. Je ne peux plus m’arrêter. La peinture pour moi est toujours là. Cela devient une obsession… Ce qui me parait évident à présent, c’est que la réalité doit être composée avec poésie». Il peint et dessine partout. Et quand les toiles viennent à manquer, il continue de peindre et dessiner sur du papier, du contreplaqué, du carton, de l’isorel, parfois même sur des draps ou encore des châssis de caisses d’agrumes !
Travailleur acharné, il expose simultanément en 1974 à Deauville et Paris à la galerie Apestéguy. S’y côtoient les œuvres d’autres peintres juifs d’origine française : Chagall, Atlan, Kikoïne, Pascin, Soutine, Zadkine, Tobiasse… En 1978, l’artiste expose une série de lithographies originales accompagnées de poèmes. Extraits d’une œuvre de près de trente-cinq années, il s’agit là d’un véritable hommage sincère aux femmes. Enfin, en 1985, deux expositions ont lieu dans les galeries : Les Arts de l’Enclos (série marines et portraits) et à l’Agora (rétrospective de ses dessins à la plume). C’est un véritable succès.
⇒ L’artiste et son œuvre :
Décrit par certains avec une personnalité à la fois tranquille et tourmenté, Gilbert CORSIA est un autodidacte obstiné qui va peindre sans relâche pendant 50 ans. Explorant le Figuratif et l’Abstrait, il aime diversifier ses palettes et a recours aussi bien à l’encre de chine qu’aux pastels, à la peinture et aux collages. Dans son atelier-refuge sur un air de Ravel, Debussy ou Chopin, il orchestre ses « partitions » à la brosse, au couteau et parfois même à la main. C’est un artiste aussi artisan qui expérimente la sculpture et aime à s’abandonner aux lectures de Gide, Rousseau, Apollinaire, Paul Valéry… Inspirations qui l’amèneront d’ailleurs à écrire toute une série de poèmes.
En évoquant sa peinture dans un ouvrage intitulé « CORSIA » (1993, Editions Alain Letailleur), Caroline Larroche écrit: «sa matière qu’il prépare lui-même l’éloigne parfois de la conception traditionnelle de la peinture à l’huile. Soucieux des compositions, ses tableaux sont moins peints que maçonnés». Certaines de ses peintures, notamment Paysages et Natures Mortes, sont ainsi réalisées de matières généreuses, épaisses et très colorés qualifiées par certains de «savantes mosaïques», référence sans doute à sa sensibilité orientale.
Artiste prolifique, sa vie s’inscrit dans un engagement artistique telle une ascèse, un dévouement sans compromis qu’on pourrait qualifier de total. Au style parfois qualifié de cubiste, sa peinture se revendique surtout comme libre, spontanée et « hors étiquette ». Elle exprime avec passion les relations complexes entre compositions, formes et couleurs. Entre sentiment de bonheur, de plaisir et aussi de désir pour la Femme.
Artiste solitaire «hors cadre», il vécut cette aventure artistique entourée de ses six enfants et de l’Amour inconditionnel de son épouse Simone : son inspiration passionnelle et soutien éternel.
Gilbert CORSIA, s’éteint en 1985 à l’âge de 70 ans. Il aura produit un très grand nombre d’oeuvres qui témoignent assez bien de son engagement artistique total. Aujourd’hui, une partie de ces productions sont présentes au sein de collections privées et d’autres toujours exposées à Paris et Honfleur par la galerie Larock-Granoff (www.larock-granoff.fr). L’État Français s’est par ailleurs également porté acquéreur de plusieurs de ses œuvres.